Le concepteur – Yves Gardan
Le 1 février 1949 décollait pour la première fois du terrain de Pau-ldron, pilote par Max Laporte un sémillant biplace de tourisme, C.A.B. Minicab Ce monoplan racé était dû à Yves Gardan. Ce n’était p as Sa première réalisation puisqu’on lui devait le succès du SIPA 90, ayant remporté le concours des 75 Cv pour le choix d’un avion à construire à 100 exemplaires pour les aéro-clubs. La SIPA produisit 100 S.901, version de série du prototypc dont le premier vol avait eu lieu le 15 juin 1947 à Villacoublay aux mains de Rogcr Launay. Y. Gardan, né en 1925, après être passé par l’Ecole Militaire préparatoire d’Autun, avait travaillé au Service Technique Aéronautique de 1945 à1947, avant d’entrer à la SIPA. Ingénieur pétillant d’idées et de projets, travailleur enthousiaste mais accroché à ses idées, a toùjours aimé créer, à condition d’avoir sa liberté d’action. Il avait quitté la SIPA pour retrouver son indépendance, il y reviendra ayant obtenu carte blanche pour monter un bureau d’études autonome qui, de 1950 à 1958, sortira le S.200 ” Minijet “, le plus petit biplace à réaction du monde, en janvier 1952, puis le 300 de même catégorie, le SIPA 1000 ” Coccinelle ” biplace économique, truffé d’ingéniosité, mais n’ayant malheureusement pas connu la série, le 1100 biplace d’appui &’outre-mer abandonné en raison de la conjoncture politique. Reprenant une nouvelle fois son indépendance, il réalise le G.Y. 80 Horizon ‘>, dont en habile homme d’affaires… aussi, il cédera la licence à la SOCATA qui en produira plus de 250 exemplaires ! Ensuite il réalise divers projets personnels avant de créer sa firme d’Etudes et Fabrication à laquelle il se consacre depuis 1970… toujours avec un moral d’acier entouré d’une équipe dévouée. Il sait aussi, en effet, s’attacher les hommes.
Texte J. Noetinger
De formation militaire, Yves GARDAN commence sa carrière aéronautique au Ministère de l’Air en 1945, comme ingénieur calculateur, chargé de vérifier les dossiers de calcul des avions. Une seule année lui suffira pour intégrer la célèbre SIPA (Société Industrielle Pour l’Aéronautique) et concevoir le Sipa 90. Gagnant le concours organisé par le Ministère pour les biplaces de 75 cv, 130 exemplaires du 90 seront livrés, bénéficiant déjà de la notoriété du concepteur et qui le suivra pendant toute sa carrière. Après ce succès, très vite Yves GARDAN décide de voler de ses propres ailes en créant avec un ami en 1949 les Constructions Aéronautiques du Béarn qu’il installera à Pau.30 exemplaires du Minicab, version allégée du 90 et équipée d’un moteur moins puissant, sortiront de l’atelier.. Outre ces appareils, on trouve plus de 130 Minicab réalisés par des constructeurs amateurs. Gagnant très rapidement et encore de nos jours de nombreux prix, le biplace a battu plusieurs records du monde de vitesse et de distance. En 1952,le Minicab boucle un circuit fermé de 1080 nm avec un 65 cv une moyenne de 99 kts :une énorme performance à cette époque.
Voisin de Turboméca, l’envie d’installer un turboréacteur sur l’un de ses appareils démange Yves GARDAN. C’est en étudiant un biplace équipé d’un Turboméca Palas offrant 160 kg de poussée qu’un projet de Sipa 200 Minijet voit le jour. L’armée très intéressée par ce dernier lui demande de retourner au Sipa pour le développer. Très vite réalisé, le biplace de 7,20 m d’envergure montre des qualités en voltige surprenante. Une version biplace en tandem, le Sipa 300, suivra mais restera elle aussi l’état de prototype
De retour l’atelier pallois, Yves GARDAN peut continuer à développer ses projets liés au développement d’avions légers civils. Persuadé que ce marché va se développer vers le grand public, il se penche sur une version dérive du Minicab: le Supercab. équipé d’un Continental de 90 cv, et de train rentrant, il permet d’atteindre une vitesse de croisière de 142 kts.
Décidément très demandé, Yves GARDAN retourne au Sipa où il met au point le Sipa 1000 coccinelle. Biplace économique en tube entoilé ,sa fabrication s’arrêtera brutalement après 3 appareils. Il en sera de même pour le bimoteur Sipa 1100 qui restera également à l’état de prototype ponctuant ainsi les différentes collaborations de l’ingénieur, devenu chef du bureau d’étude, au sein du Sipa .
De 1958 1962, il va- nouveau rejoindre Pau et développe un quadriplace métallique à trains rentrants et volets conjugués. Avec 2 motorisations disponibles (Lycoming de 150 ou de 160 cv), une version à pas fixe (Hélice Sensenich) ou à pas variable (Hlice Hartzell), l’équipement IFR en option, le constructeur ne sait pas encore quel va être le succès du GY 80 HORIZON. Piloté par Pierre Simon, le prototype F-WJDU fabriqué sur le cynodrome de Courbevoie quitte le sol pour la première fois le 21 juillet 1960 et va très vite susciter un vif intérêt des plus importantes firmes de l’hexagone.
Ce prototype vole encore et est basé au Castellet. SUD AVIATION achète la licence de production les mois qui suivent, et c’est plus de 270 appareils qui sortiront de l’usine. SUD AVIATION deviendra comme vous le savez AEROSPATIALE, et rapidement une concurrence interne avec le Rallye empêche l’Horizon de s’installer en masse sur le marché. Devant la multiplication des versions du Rallye en regard du manque de volonté de la firme vouloir faire évoluer également le GY 80, Yves GARDAN préfère voler à nouveau de ses propres ailes.
Certifié en 1971, le GY1OO Bagheera est la première évolution de l’horizon. Doté d’un train fixe pour un coût moins élevé, l’appareil arrive néanmoins au moment de la crise du pétrole, et Yves GARDAN renonce à continuer toute fabrication.
C’est vers la sous-traitance qu’il se dirige. Son savoir faire lui permet de concevoir pour SEDAM et BERTIN l’ensemble de la cabine de pilotage, l’hélice, les commandes ainsi que les capots moteurs d’un aéroglisseur de 250 tonnes. Parallèlement sous-traitant pour les Avions HUREL-DUBOIS, Yves GARDAN est amené à étudier et fabriquer de l’outillage pour l’Airbus, Mirage III et le Mirage 2000. Cette activité se poursuit encore de nos jours, et la conception d’outils s’est élargie, depuis, vers l’automobile.
Dans sa tête une trentaine de projets n’avaient jamais été plus loin que le dessin. Ses idées, et son expérience dans la motorisation d’aéroglisseur, ne pouvaient pas coïncider avec la rigueur des certifications aéronautiques. La publication de la réglementation ULM de 1982 lui redonne espoir, et ses projets d’adaptation de moteurs de voitures équipés de réducteurs refont surface. Le GY-120, un ULM biplace en tandem ne sera jamais commercialisé, par manque de temps puisque ses activités de sous-traitance deviennent rapidement l’activité unique et principale de l’atelier.
Plusieurs travaux permettent cependant Yves GARDAN de continuer à prouver aux yeux du monde ses talents d’ingénieurs aéronautiques. Il va ainsi transformer un TB20 en avion absorbeur de rafale. A travers le bâti moteur il a fait passer un plan canard articulé avec un dièdre variable et muni d’un volet. L’empennage vertical est transformé pour recevoir l’empennage horizontal posé en T-tail. La voilure est munie d’un volet double et articulé. Sur le même principe un Horizon également au stade expérimental a été conçu : F_WREI. Toujours dans le même esprit d’innovation, un Merlin est sorti de l’atelier complètement transformé pour un usage scientifique. Des sondes dans le nez et dans le fuselage permettent l’appareil encore utilisé en météorologie de servir de centre de mesure.
Jusqu’à son décès, Yves GARDAN est demeuré très actif dans l’aéronautique, s’apprêtant à relancer son projet d’ULM. Il était membre de l’Association des Propriétaires d’Avions GARDAN (APAG), qui fait partie des plus dynamiques en France, ses appareils sont étonnamment convoités. Représentant de toute une époque le constructeur français gardait donc toujours l’espoir de concrétiser son désir de faire un avion léger, populaire, fiable et à la portée d’un large public. Mais ne l’avait-il pas déjà fait ?
Yves Gardan nous a quittés le 14 juillet 2009, peu de temps après le décès de son épouse.
